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Image by jean wimmerlin

Les logements abandonnés au Japon

5' de lecture - publié le 12 décembre 2022

Le Japon fait face à un problème qui pose question pour l'avenir de nombreux pays développés : les logements abandonnés, tant dans les zones rurales qu'urbaines. Ainsi à Tokyo même, une maison sur dix est vide. Le problème va continuer à s'aggraver et d'ici 2023 on estime qu'il y aura 11 millions de logements inoccupés. Ces logements inoccupés sont également connus sous le nom de "akiya" (空き家).

Si les japonais sont bien conscients du problème, et qu'ils ont proposé un ensemble diversifié de solutions possibles, celles-ci ne suffisent finalement qu'à ralentir le processus. La coopération entre propriétaires, professionnels de l’immobilier et pouvoirs publics est impérative sur un problème comme celui-ci. L'implication de multiples parties prenantes représente un véritable défi et retarde la prise de décision.

S'il est facile de définir le problème, il n'est pas aussi évident d'en comprendre les causes, car de multiples facteurs y ont contribué. Dans cet article, nous étudions trois facteurs majeurs. Nous regardons ensuite les solutions proposées et les défis à relever.

Causes
Causes

La première raison à l’explosion du nombre d’akiya, qui reste un facteur contributif, est la construction continue de nouveaux logements au Japon malgré la diminution de la population. Prenons l'exemple de Tokyo, dont la population a augmenté d’environ 3 millions d'habitants depuis les années 2000. La demande de logements ayant elle aussi augmenté, les prix sont montés en flèche. Le gouvernement a cherché à résoudre ce problème en construisant davantage : plus l'offre est importante, plus le prix est bas, une simple question d'économie. Cette stratégie a effectivement fonctionné. Les prix moyens des logements ont diminué depuis 2006. Ce qui n’a pas été pris en compte à l'époque, c'est le vieillissement et la diminution de la population. Aujourd'hui, près de deux décennies plus tard, la solution exemplaire commence à montrer des défauts.

La seconde cause du phénomène des akiya est le fait que les maisons peuvent être abandonnées lorsque les propriétaires décèdent sans désigner d'héritier. C’est également le cas lorsque plusieurs héritiers ne sont pas en accord les uns avec les autres, ce qui bloque toute procédure ultérieure concernant la propriété.

Enfin, une troisième raison assez courante, est que ces akiya sont situées dans des zones rurales, loin des grandes villes. Les gens sont réticents à y emménager.

Gouvernement
La solution du gouvernement

Le gouvernement a tenté de lutter contre ce problème rampant. Les maisons vacantes ont été classées en deux catégories : celles qui sont destinées à la location ou à la vente, et les autres. Pour traiter les logements abandonnés qui tombent dans la catégorie "autres", de nouvelles lois sur l'enregistrement des biens immobiliers ont été mises en place. Certaines de ces nouvelles lois comprennent:

  • Des amendes pour les propriétaires qui ont omis d'enregistrer un héritier en cas de décès.

  • Le transfert du titre d'une propriété abandonnée au gouvernement en cas de besoin.

  • La mise à disposition des logements vacants pour la location aux personnes à faible revenu et/ou aux personnes âgées seules.

La démolition des logements abandonnés est également envisagée car ils représentent un danger pour la communauté locale en cas de catastrophe naturelle, les dégâts sur ces maisons pouvant se propager aux bâtiments voisins. Il y a de plus des problèmes d’hygiène et de termite réguliers sur ces constructions. Le coût de la démolition est à la charge des propriétaires, ce qui rend la tâche ardue. En effet, il est souvent difficile de les retrouver: déménagement, non reconnaissance de la propriété pour des raisons fiscales … Sans autorisation appropriée, le gouvernement ne peut rien faire. Par conséquent, la propriété abandonnée reste en l'état.

Prive
Les solutions du secteur privé

Que peut-on faire d'autre ? Des entreprises de construction privées, des agences immobilières et des start-ups ont apporté leurs propositions, qui peuvent être divisées en deux catégories : propriété et conversion.

Propriété

Dans la catégorie propriété, la société de conseil immobilier Akiya & Inaka est spécialisée dans les logements vacants dans les zones rurales du Japon. Elle sert trois types de clients, à savoir les acheteurs, les investisseurs et les vendeurs. L’entreprise propose un service complet de A à Z pour aider les clients à trouver la bonne akiya, à s'y retrouver dans les différentes règles et réglementations, car elles sont régies différemment des propriétés du marché immobilier normal, ainsi que des services de marketing si nécessaire.

Une autre solution qui est "techniquement gratuite" est Everyone's Zero-Yen Property (Minna no Zero-en Bukken). Il s'agit d'une plateforme d'échange de biens gratuits entre les propriétaires d'akiya et les propriétaires intéressés. Les propriétaires inscrivent leur propriété, tandis que les parties intéressées naviguent et sélectionnent celle qui correspond à leurs besoins, un échange a ensuite lieu. Le bien est échangé à 0 Yen, mais le nouveau propriétaire (qui a acquis l'akiya) devra supporter d'autres dépenses telles que les frais administratifs, les taxes, les frais de rénovation et d'assurance. L’ancien propriétaire quant à lui n'a plus à payer de taxe foncière.

Conversion

Dans la catégorie des conversions, certains propriétaires ont converti leur akiya en AirBnB, en pensions de famille et en cafés, pour n'en citer que quelques-uns. D'autres ont eu des difficultés à obtenir un financement suffisant pour rénover leur maison. Des startups, des entreprises de construction et même la communauté sont donc intervenues pour remplir ce rôle.

  • ADDress est une startup qui propose un modèle commercial innovant pour répondre à ce problème. Elle propose un service d'abonnement qui permet aux abonnés de vivre dans plus de 220 akiya dans tout le pays, à partir de 44 000 yens par mois.

  • La communauté de la ville de Wajima a décidé de revitaliser un quartier central qui abrite un certain nombre d'akiya. Elle s'est associée à Bussi-En, une société de services sociaux, pour créer une ville centrée sur les "gens". La zone rénovée attire les résidents locaux, jeunes et vieux, et redonne vie à une ville autrefois en déclin.

  • JectOne, une entreprise de construction, a créé une filiale appelée Akisapo qui se concentre sur les akiya. Akisapo réhabilite les propriétés et les transforme en actifs rentables pour le compte des propriétaires. Les propriétaires ne supportent pas la charge financière de la transformation, le coût de la rénovation est remboursé par une partie du loyer. Lorsque les coûts de rénovation sont récupérés, le propriétaire est libre de louer le bien et de percevoir 100 % des revenus.

Defis
Défis

Malgré tous les efforts du gouvernement et du secteur privé, la voie vers la résolution du problème des logements abandonnés est pavée de défis. 

Pour mesurer l’ampleur du problème et pouvoir le résoudre correctement, les pouvoirs publics recensent les akiya. Cependant, les bases de données publiques gérées par les institutions locales sont de qualité variable. Les employés municipaux n’ont pas tous les connaissances nécessaires en immobilier par exemple, ils utilisent parfois des méthodes de transmission des données obsolètes comme le fax. Les dossiers ne sont donc pas exhaustifs.

Comme mentionné précédemment, certaines akiya sont situées dans des zones rurales. Cet emplacement n'attire ni la jeune génération ni les familles des zones urbaines car il n'y a pas d'opportunités d'emploi prometteuses. En outre, les longs trajets vers les grandes villes contribuent également au manque d'attrait des akiya rurales.

L'idée de vendre l'akiya à des propriétaires étrangers est une possibilité, mais cela leur donne pas automatiquement le statut de résidents. En tant que propriétaires étrangers, ils doivent en plus vivre dans la maison de façon permanente.

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